vendredi 8 septembre 2017

Guerres et morale selon Albert Jacquard


Albert Jacquard


Je lis un livre écrit par Albert Jacquard, Tentatives de lucidité


Le constat qu'une avancée technique puisse ne pas correspondre à un progrès pour la société n'est pas tout à fait nouveau. L'exemple le plus souvent cité est celui de la mise au point, au XIe siècle, d'une arme merveilleusement efficace, l'arbalète. Grâce à un système ingénieux, il est possible de bander l'arc avec une puissance décuplée; le trait qui tient lieu de flèche part avec une vitesse telle qu'il peut transpercer une cuirasse et  tuer à une distance supérieure à cent mètres. C'est par un trait d'arbalète que le roi d'Angleterre, Richard Coeur de Lion, a été mortellement blessé.

Les militaires de l'époque ont pensé que leurs ennemis auraient un jour des armes semblables et le jeu de la guerre deviendrait de moins en moins drôle si l'on y risquait à ce point sa vie. Ils ont rapidement posé le problème sous l'angle de la morale: était-il conforme aux préceptes de la religion d'utiliser des moyens de tuer aussi efficaces ?

La question a été prise au sérieux par l'Église catholique. Elle a répondu, au cours d'un concile tenu à Latran en 1139, qu'il était immoral d'utiliser l'arbalète lorsque l'on se faisait la guerre entre chrétiens. Son usage était en revanche considéré comme licite si l'on se battait contre des non-chrétiens!!!

Faisons-nous mieux aujourd'hui ?

Les moyens de destruction ont une efficacité telle que la comparaison entre l'arc et l'arbalète paraît dérisoire, de même entre l'arquebuse et le canon. Il a suffi de quelques dizaines d'années pour passer, au milieu du XXe siècle, à l'arme nucléaire, capable de tuer plusieurs millions de personnes en quelques minutes. Le changement d'échelle a été si rapide et la capacité de destruction est devenue telle qu'elle outrepasse  ce que la planète peut supporter. Gagner une guerre nucléaire n'a qu'un intérêt dérisoire puisque le vainqueur sera lui-même détruit par les conséquences sur l'atmosphère des coups portés à l'autre pour l'anéantir. Ce serait un suicide.

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