vendredi 22 novembre 2013

Camus / Sartre


Camus (1913-1960)

Sartre tenait le haut du pavé et lui et ses disciples reprochèrent à Camus de ne rien comprendre à la philosophie, la vraie. Camus ne serait donc qu'un imposteur...Sartre va s'imposer dans les années cinquante comme un penseur phare. Et Camus sera rejeté. "Notre amitié n'était pas facile mais je la regretterai." fait-il savoir à Camus en signe d'adieu. Dès 1945, et malgré son amitié pour Sartre, Camus prend ses distances.

Sartre: "Et parce que l'homme est libre, il est responsable. S'il est entravé, c'est à lui de se libérer". Et l'on a appelé ce courant philosophique, l'existentialisme. "Je ne suis pas existentialiste, dira Camus. Il y a des gens qui ne sont pas responsables de ce qu'ils sont, le misérable est innocent de sa misère. Alors? le mutilé, la laide, le timide..." Dire d'un cul-de-jatte miséreux qu'il est libre et responsable ressemble fort pour Camus à de la fumisterie philosophique. Comment profiter  sans mesure de la vie quand des millions de gens meurent de faim? Camus se persuadera que la meilleure façon d'aider ceux qui souffrent est d'être soi-même fort et heureux. (Alain Finkielkraut)

"Je n'aime pas l'humanité en général, je m'en sens solidaire, ce qui n'est pas la même chose. Et puis, j'aime quelques hommes vivants ou morts, avec tant d'admiration que je suis toujours jaloux de préserver ou de protéger chez tous les autres ce qui, par hasard, les a fait ou les fera semblables aux premiers. Je suis l'avocat perpétuel de la créature vivante, parce qu'elle est vivante." Un coeur intelligent dira Finkierkraut, un type bien, toujours!  On ne parle plus de Sartre, Camus vit toujours!

Camus écrit ses Réflexions sur la guillotine, plaidoyer pour l'abolition de la peine de mort, en s'appuyant sur l'absolue cruauté de la sanction et la possibilité de l'erreur judiciaire. Il conclut sur ses mots: "Ni dans le coeur des individus ni dans les moeurs des sociétés, il n'y aura de paix durable tant que la mort ne sera pas mise hors de combat". Je comprends pourquoi il aimait tellement Simone Weil, c'était deux âmes qui se reconnaissaient.

Aujourd'hui, j'ai écouté L'Étranger de Albert Camus lu par Michael Lonsdale, le merveilleux moine de Tibhirine du film Des dieux et des hommes, sur Internet. Camus recevra le Prix Nobel de la littérature en 1957. J'aime Camus.

http://www.blogger.com/blogger.g?  Ancien blog, la mort de Camus

vendredi 15 novembre 2013

Camus, un "coeur intelligent"

Albert Camus

Pourquoi Albert Camus est-il tant aimé?  Des milliers de Japonais se sont rués sur son livre La Peste lorsqu'une partie de la centrale nucléaire de Fukushima a explosé. (réinterprété à l'aune de la radioactivité)  L'Étranger est l'un des livres les plus lus au monde. L'Homme révolté est devenu un livre culte en Ukraine, au Kosovo, en Égypte, en Iran, dans ces pays où les citoyens s'élèvent au péril de leur vie contre la dictature, la corruption, l'injustice ou le fanatisme. Entre sa mère et la justice, il  choisissait sa mère parce qu'elle était un être vivant. Il voulait que l'homme passe avant l'Histoire et il pensait qu'une vie valait plus qu'une idée. Il s'est opposé au stalinisme, à la violence et au terrorisme. Né en Mondovi en Algérie, il voulait que les Arabes et les Européens puissent vivre ensemble à égalité sur la terre qui était la leur, la sienne.

Albert Camus était à la recherche du Bien. Il aimait le soleil, les femmes, l'amour, la vie. Et il doutait. Cet homme né en 1913, avant la Première guerre mondiale, est l'un des penseurs les plus importants du XXIe siècle. Sa pensée répond aux interrogations de notre temps.

C'est l'histoire d'une success story, où un instituteur puis un professeur de philosophie aident le fils d'une pauvre illettrée quasi muette, à devenir Prix Nobel. C'est l'histoire d'un miracle. Camus, l'une des personnalités les plus célèbres des années cinquante, meurt le 4 janvier 1960, dans un accident d'auto.

Il est difficile de comprendre pourquoi L'Étranger, son premier roman, a beau être un best-seller mondial, ses autres livres célébrés, il devient un penseur moqué, un écrivain fini. Et puis tout a changé: sanglé dans son imperméable à la Bogart, il est honoré comme un Christ en gloire contrairement aux intellectuels du temps ceux d'aujourd'hui lui rendent hommage: Michel Onfray, Yasmina Khadra, Imre Kertész, etc... Qu'est-ce qui a transformé Camus en un nouveau Jedi? Ses réflexions sur la place de l'homme dans le monde, sur le suicide, la peine de mort, le terrorisme, la torture  ouvrent un puits de lumière dans la grotte où nous nous débattons.

Mais gare à l'excès d'amour et à la tentation d'en faire un parangon de vertus! Ses  infidélités multiples ont plongé son épouse dans une terrible dépression; capable de discuter avec les plus humbles, il pouvait se montrer arrogant dans les salons élégants. Mais en bout de ligne, c'était un homme dans ce qu'il y a de meilleur et  il est devenu une référence incontournable, l'icône de la révolte et de la résistance.

Extrait d'un article écrit par Catherine Golliau pour la revue Le Point

J'aime Albert Camus.  L'Algérie est le pays d'origine de Guy, mon compagnon. Et son âme reste stigmatisée douloureusement par cet ordre violent de son Histoire : La valise ou le cercueil! Comme Camus, il pense encore qu'il y avait assez de place dans ce magnifique pays et pour les Arabes et pour les Français. C'était peut-être une utopie...




dimanche 10 novembre 2013

Braddock attaque le fort Duquesne, s'ensuit une scène inimaginable....


La Mort du général Edward  Braddock, officier britannique, lors de la bataille de la Monongahela (1695-1755), bataille pour la prise du fort Duquesne.



La garnison du fort Duquesne, au confluent de la rivière Ohio, Alleghanis et Monongahela, est formée de compagnies des troupes de la marine, de miliciens canadiens qui ont construit des cabanes d'écorce à l'extérieur de l'enceinte et de quelques huit cents indigènes qui vivent dans des wigwams; deux de ses côtés sont protégés par les rivières et des palissades de pieux hautes de deux mètres et demi, ses deux autres côtés sont protégés par des remparts épais de trois mètres. Pour que les assiégeants ne puissent s'abriter derrière, les souches ont été rasées au sol. Plus loin, du maïs pousse dans une terre défrichée. Les Anglais sont obsédés, il veulent s'emparer de ce fort français si bien organisé. Le capitaine Braddock à la tête de l'armée britannique cherche un endroit propice où franchir la rivière, ils sont à quatorze kilomètres du fort Duquesne. "Impressionnons les Français!" décide Braddock. Il ordonne que l'armée royale, en uniformes rouges se mettent en ordre de parade pour traverser la rivière, avec musique, bannières, les officiers et la cavalerie à cheval, suivis des Virginiens en uniformes bleus. Harcelés par des nuages de mouches noires qui leur sucent le sang, c'est une parade inutile, le colonel Beaujeu est encore loin. Mais leurs uniformes écarlates font de très belles cibles. Les Anglais crient comme s'ils demandaient qu'on tire sur eux, pensent les Canadiens. En fait, ils chantent le God save the King. L'ennemi est invisible. Les balles ne ratent pas les uniformes rouges mais  c'est un feu désordonné qui tirent sur cet ennemi invisible. Les Indiens sont de terribles guerriers. Partout des blessés geignent et rampent dans le sang de leurs compagnons ne sachant pas où se terre l'ennemi. Ils continuent de tirer sur ces ennemis qui sont partout et nulle part.


Le colonel Washington qui seconde le général vient à son aide  et tente de regrouper les formations. Une balle transperce le bras de Braddok et s'enfonce dans sa poitrine, le colonel regarde avec du mépris dans les yeux, ses soldats en déroute, qui abandonnent leurs compagnons morts ou blessés, les canons, les mousquets, les bagages, les provisions, les coffres des officiers. Plus tard, les vainqueurs reviennent au fort Duquesne avec des chevaux, des boeufs et des chariots chargés de butin: tonneaux, gamelles, mousquets et baïonnettes. Au fort, c'est la fête. Braddock s'éteint au soir du 13 juillet 1755.

À Philadelphie, la nouvelle de la mort de Braddock se répand, un deuil profond se propage dans les colonies.

Pour comprendre les causes de la déroute, le colonel Washington analyse la tactique de Braddock. La première erreur a été d'avoir sous-estimé la force des Français et surestimé la capacité de ses soldats. La deuxième erreur est inimaginable: Washington, avec dureté reproche à ses "chiens de soldats" d'avoir eux-mêmes tué ou blessé les deux tiers des effets britanniques: groupés en un corps de dix à douze rangs, chacun tirait sur l'homme qui marchait devant lui!!!

Le gouverneur de la Virginie ne supporte pas que le menaçant fort français Duquesne soit en territoire anglais. Il verse une somme de quarante mille livres pour financer une seconde expédition. L'attaque n'aura pas lieu en cet automne. Le découragement est total.

Je lis le tome 2 du livre de Roch Carrier, Le fabuleux roman d'un pays

Une magnifique sculpture romaine découverte en plein coeur de Londres




Statue magnifique trouvée en octobre 2013

Des archéologues ont découvert une sculpture romaine en excellent état de conservation sous la forme d'un aigle tenant fermement un serpent se tordant dans son bec. La découverte a été faite sur un site dans la ville de Londres avant la construction d'un hôtel de seize étages. L'équipe du Mola (Museum of London Archeologie) a d'abord hésité à annoncer la découverte et à proclamer ses origines romaines, en raison de son état incroyablement bien conservé. Les spécialistes ont cependant confirmé que la sculpture d'une qualité exceptionnelle remontait au I ou IIe siècle de notre ère et reconnue comme l'une des meilleures statues survivantes de la Bretagne romaine. La statue est aussi nette que le jour où elle a été sculptée. Tout ce qu'elle a perdu c'est sa peinture de surface emportée quand elle a été déposée dans un fossé.

Le symbolisme sous-entendu est la lutte du bien, l'aigle, contre le mal, le serpent. Un important cimetière aurait été situé sur le site. Elle provient peut-être d'un mausolée dont les fondations ont également été découvertes. Le public peut voir dès maintenant, cette pièce rare et remarquable dans toute sa splendeur.

"Simone Weil, le plus grand esprit de notre temps" Camus


Simone Weil

La forme particulière de l'intelligence de Simone Weil la déborde de toutes parts.  Ses tourments physiques la rendent vulnérable, ouverte, béante même. C'est quand elle est très bas qu'elle se sent le plus près du Christ, être au plus bas, donc, ne pas chuter. Là, elle ne peut plus penser à cette éternelle contradiction: Dieu existe, Dieu n'existe pas. Physiquement, elle oublie qu'elle a un corps et devient progressivement un pur esprit. Seule la poésie lui apporte un peu de paix, elle lit saint Jean de la Croix et commente l'apôtre Paul.

Simone  se rend à Carcassonne, sur les pas des Cathares. D'anciens condisciples la décrivent vêtue de bure, les pieds nus dans des sandales, dépouillée de toute préoccupation charnelle, comme une sainte du Moyen Âge. Un moine dom Clément Jacob, après l'avoir écoutée, la traite d'hérétique. Elle est comme une religieuse sans ordre, une personne androgyne, ascétique, un électron libre. Elle n'est qu'écriture. Son corps entier devient écriture. Elle ne se nourrit qu'à minima pour pouvoir encore tenir son stylo. Sait-elle que son temps lui est compté? Jamais elle n'écrira autant.

Pietro Citadi lui consacre un très beau texte dans ses Portraits de femmes: "Simone Weil est dans un autre espace, une autre temporalité, loin de tout, apte à laisser entrer le vide en elle: alors elle ressentait un déchirement intime, et, dans ce vide, descendait la fluidité de la grâce. Un contact infiniment léger, l'espace d'un instant. Elle faisait ainsi descendre son âme en ce lieu inconnu des hommes, où la douleur était joie et la joie douleur."

Même si sa position est sans cesse contradictoire - c'est peut-être pour cela que nous l'aimons tant - elle est de manière inexpugnable, attachée au Christ oscillant entre un Christ historique et un Christ cosmique. Elle a été "saisie" par Dieu, prise pour toujours. Cette joie qu'elle avait découverte de contempler la nature, elle ne se le permet plus, elle ne s'en accorde plus le droit: "Voir un paysage tel qu'il est quand je n'y suis pas. Quand je suis quelque part, je souille le silence du ciel et de la terre par ma respiration et le battement de mon coeur." Pourquoi tant de dévalorisation d'elle-même? Pourquoi tant de volonté de souffrance? Simone Weil considère que l'extrême malheur est une voie d'accès privilégiée à Dieu.

Elle accorde une intensité extraordinaire à la faculté d'attention, une sorte de concentration extrême qui permet l'ouverture de l'âme.

"Il faut savoir mourir, c'est le travail de toute une vie" écrira-t-elle. Simone Weil s'est éteinte dans son sommeil le 24 août 1943, au sanatorium d'Ashford, au milieu d'une nature bienveillante, magnifiée par l'été. Sa mort fait la une des journaux, sa mort a des accents de mystère. Albert Camus dira: "Simone Weil est le plus grand esprit de notre temps." Laure Adler termine son livre en disant: " Le combat pour la reconnaissance de Simone ne fait que commencer."

L'Insoumise, Simone Weil de Laure Adler

samedi 9 novembre 2013

Simone et André Weil en Amérique...


Simone Weil

Laure Adler :

Simone Weil écrit Conseil de la révolte au coeur de l'année la plus noire de la guerre, d'une seule coulée brassant des éléments historiques, mythologiques avec des fragments d'expérience qu'elle a vécus comme ouvrière d'usine et militante politique d'extrême gauche. C'est probablement ce texte qui fut lu en entier par le général de Gaule; il fut à l'origine de la décision de créer le Conseil national de la Résistance.

Soixante ans plus tard, on est frappé en lisant ce livre par l'importance d'une notion bien oubliée aujourd'hui, je veux parler de celle de l'âme. L'âme a des besoins dit-elle, sinon plus que le corps et si on ne prend pas garde de les assouvir, c'est toute notre société qui s'en trouvera déréglée. Le risque est un besoin essentiel de l'âme, sinon que de l'ennui et de la peur.

La famille s'embarqua pour l'Amérique  le 14 mai 1942. Simone exigea de voyager en quatrième classe. Lors de la traversée, on la questionna sur son manque d'appétit. Elle était déjà fort maigre. Elle répondit qu'elle n'avait pas le droit de manger plus que ceux qui étaient restés en France. Elle était obsédée par l'idée de revenir en France et de partager leur malheur. Son frère André était déjà arrivé aux États-Unis, pris en charge par la fondation Rockfeller dans le cadre de sauvetage des scientifiques français. Les Allemands avaient procédé en Pologne, à la destruction systématique des élites intellectuelles juives. Louis Rapkine, un jeune biochimiste canadien avait convaincu la fondation qu'il fallait faire sortir de France, le plus vite possible, les scientifiques français, juifs ou non. En tant que juifs, les parents de Simone craignaient pour leur sécurité et celle de leur fille. 

Des textes inédits maintenant accessibles permettent de restituer l'ampleur des questionnements d'une femme qui se considère chrétienne et qui ne s'est  jamais ressentie juive; elle qui a été arrêtée trois fois par la gestapo mais qui  n'a jamais porté l'étoile jaune; ce qui ne l'a pas empêchée d'entrer en résistance dès 1940 et de lutter contre le nazisme. Elle souffre de son inutilité. Elle fuit ce cafard qui s'empare d'elle en passant ses journées à la bibliothèque, elle y étudie le catharisme et tous les mouvements jugés hérétiques par l'Église: "Je fouille les recoins de la théologie" écrit-elle. Les discussions sont nombreuses avec son frère, André. Elle est tourmentée par l'idée de savoir si elle doit se faire baptiser. Elle prend l'habitude de coucher par terre pour marquer sa solidarité. Plus jamais, elle ne dormira dans un lit sauf malade dans des hôpitaux. Simone Weil brûle.....

Je lis L'Insoumise, Simone Weil, écrit par Laure Adler  (à suivre)

vendredi 8 novembre 2013

Simone Weil, une sainte moderne



Simone Weil, philosophe française (1909-1943)


Je lis L'Insoumise, Simone Weil de Laure Adler


Son nom est connu dans un cercle d'initiés qui la considèrent comme une icône de la pensée contemporaine et qui se ressourcent régulièrement à ses écrits.

Simone de Beauvoir se souvient de l'avoir croisée en juin 1926, dans la cour de la Sorbonne: "Elle m'intriguait, à cause de sa grande intelligence et de son accoutrement bizarre... Une grande famine venait de dévaster la Chine, et l'on m'avait raconté qu'en apprenant cette nouvelle, elle avait sangloté: ses larmes forcèrent mon respect encore plus que ses dons philosophiques."

Simone Weil, pourtant, ne pleurait pas souvent mais elle était en empathie avec les autres ainsi qu'avec les événements. Elle souffrait pour ceux qui souffraient et voulait leur venir en aide. Elle-même a passé sa vie à souffrir, mais ne s'intéressait guère à elle. "Elle n'était pas comme les autres, pas seulement dans son apparence physique, dans sa manière de s'enflammer pour des causes politiques mais aussi pour une profonde indifférence à elle-même, une volonté, avant même d'avoir vingt ans, d'être inquiète de tout et sur tout et de ne pas vouloir s'installer dans la vie". Alain son professeur, celui qui l'avait formée et dont elle se sentira proche jusqu'à son dernier souffle de vie, l'avait surnommée "La Martienne". (Jacques Ganuchaud)

Elle n'avait cure de ses migraines, de son état d'épuisement. Elle était tellement volontariste qu'elle pensait qu'elle allait encore gagner contre cette fatigue immense pour continuer à écrire sur l'avenir de la France et vivre enfin ce moment où son pays serait libéré.

France Culture m'offrit la possibilité, à l'été 2007 de lui rendre hommage. Je me plongeai alors, pour la première fois dans cet immense chantier que sont ses cahiers. Ce fut une véritable odyssée, un vertige. L'admiration se transformait en passion. Ce livre est un livre d'admiration qui se donne pour but d'agrandir le cercle des amoureux de Simone Weil .

J'aime déjà d'amour Simone Weil, de cette sorte d'amour que j'éprouve pour Etty Hillesum, morte elle aussi en 1943 mais dans un camp de concentration. Ces deux saintes des temps modernes m'habitent et me font du bien. Je pense souvent à elles. J'ai collé au mur, il y a quelques années, la photo de Simone et je croise tout le temps son regard... qui me regarde et son doux sourire ... qui me sourit. Une subtile interpellation spirituelle se met à bouger en moi, toujours la même: devenir une meilleure personne, une personne attentive.

Malgré la souffrance, Simone était un être solaire aimant à rire, discuter, faire de l'humour, nager, aller au théâtre (elle connaissait par coeur des livrets d'opéra). Elle aimait l'Italie jusqu'à la folie, s'absorber dans la beauté d'un paysage ou d'une peinture, bref, une dévoratrice de tout ce que pouvait lui offrir la bonté des êtres et la beauté du monde. Laure Adler

Comment ne pas l'aimer!   (à suivre)

jeudi 7 novembre 2013

Poème-éloge pour les artistes du monde....




Paysage, Paul Cézanne



J'aime les artistes et leurs oeuvres...

De tout temps, l'homme maltraite la Terre
et de tout temps le peintre  reconstruit  
les paysages baignés de leur splendeur originelle

De tout temps, l'homme maltraite les animaux
et même l'homme des cavernes les reconstruisait 
sur les murs, dans leur liberté sauvage originelle

De tout temps l'homme maltraite l'homme
créant toutes sortes d'esclavage
et le sculpteur le reconstruit dans sa beauté originelle

L'artiste plonge dans la matière 
jusqu'à l'étrange danse des atomes et il  reconstruit le monde 
dans de mystérieuses abstractions originelles

Et moi, je regarde, je me laisse imprégner,
je me laisse dériver, je me laisse aimer ...

Gisèle Thibault


Poème pour Pierre Lemay


mercredi 6 novembre 2013

Frontenac et Phips s'affrontent à Québec



Frontenac

La flotte anglaise mouille l'ancre dans le bassin de Québec; quatre heures plus tard, une chaloupe se détache du navire amiral. Phips a délégué son émissaire le major Thomas Savage. Frontenac envoie une chaloupe à sa rencontre. Lorsqu'il touche à terre, on lui bande les yeux, on le fait tourner en rond parmi les arbustes, escalader et descendre une pente escarpée, il traverse une foule, c'est-à-dire une dizaine d'hommes, qui frottent leurs épaules à celles de l'Anglais. Par ce stratagème, Frontenac espère que le major Savage rapportera à son commandant que la ville est protégée et défendue par une population très nombreuse... que ce Québec est imprenable!

Le major apparaît et l'imposant Frontenac est assis à sa table, calme et fier. Frontenac, un orgueilleux vieillard de soixante-huit ans n'a pas la patience de l'écouter - On ne vient pas sommer "un homme comme moi" - dit-il sèchement à l'émissaire. De plus, la France ne reconnaît pas  Guillaume d'Orange qui a commis le crime de détrôner son beau-père. Et il conclut:"Je n'ay de Réponse à faire à votre général que par la bouche de mes canons et à coup de fusil."



le 18 octobre 1690, les miliciens du Massachusetts descendent sur les battures de Beauport et marchent sur Québec alors que quatre navires bombardent la ville. Pendant deux jours, les bombes et les boulets pleuvent, mais les dommages sont négligeables. C'est alors que les canons de Frontenac se déchaînent sur les navires, celui de Phips est troué de larges brèches et son grand mât est tronqué. Bientôt les canons anglais deviennent muets. Octobre est froid, les hommes ne sont pas vêtus adéquatement, et le rhum manque. Et voilà que se déclare des cas de petite vérole. Phips rembarque ses troupes en abandonnant cinq canons. L'une des brigandines de Phips fait naufrage à l'île d'Anticosti, et  l'équipage y est condamné à passer l'hiver. La défaite de Phips à Québec lui est pardonnée et l'année suivante, il est devenu gouverneur du Massachusetts



Les Anglais n'abdiqueront pas. En 1760 Montcalm et Wolf perdront la vie sur les Plaines d'Abraham et la Nouvelle-France deviendra une colonie britannique. Le peuple québécois en gardera  des stigmates pernicieuses jusqu'à nos jours.

(à suivre, Le fabuleux roman d'un pays de Rock Carrier)

mardi 5 novembre 2013

Phips s'empare de Port-Royal à Québec. La Nouvelle-France est dans la mire de L'Angleterre



William Phips


Je lis Le fabuleux roman d'un pays - Les fils déchus de Rock Carrier


La mère de William Phips était une pauvre veuve dans un hameau du Maine. Son fils, d'abord gardien d'animaux, devient par la suite charpentier, au port de Boston. Sans doute avait-il d'autres talents puisqu'une veuve riche l'épousa. Fasciné depuis l'enfance par ces histoires de galions remplis d'or qui avaient fait naufrage durant leur retour en Espagne, William Phips après quelques essais, repéra au large un galion chargé d'or. Il devient si riche que le roi Guillaume III l'anoblit. Il devient maréchal-prévôt général du Dominium de la Nouvelle-France. En 1690, l'ancien berger est devenu le major-général d'une expédition contre l'Acadie et le Canada. Le lendemain de son arrivée à Port-Royal, il exigea la reddition de l'établissement. Le gouverneur du moment, Louis-Alexandre de Meneval accepta aussitôt, ravi de retourner en France. Il ne disposait d'aucun canon et une garnison  d'à peine soixante-dix hommes.

Le lendemain, Phips se vanta dans son journal de bord d'avoir puni les catholiques de Port-Royal: ses hommes ont pillé l'église, décroché le crucifix, détruit l'autel, déchiré leurs images. "Ils ont fouillé sous la surface du sol dans les jardins"  rapporte l'ancien chercheur de trésors. Il astreint les Acadiens à prêter un serment au roi et à la reine d'Angleterre, Marie II. Puis, il revient à Boston avec ses prisonniers. Les membres du Conseil de Massachusetts félicitent Phips pour sa victoire et confirme son titre de commandant en vue de la conquête de Québec. Pour cette mission, ils mettent à sa disposition plus de 2 000 miliciens. Il décide de ne pas attendre l'arrivée incessante d'un bateau rempli de vivres, d'armes et de rhum - "Si mes hommes manquent de vivres, ils pêcheront! S'ils manquent de munitions, ils auront plus d'astuces! Et s'ils manquent de rhum, ils auront soif de boire le rhum des Français à Québec". Le 20 août 1690, Phips ordonne de hisser les voiles.


Louis de Buade de Frontenac (1622-1698)


La nouvelle arrive à Québec qu'une flotte anglaise remonte le fleuve. Le gouverneur Frontenac qui anticipait une attaque venant du Lac Champlain, ordonne à ses miliciens de se rassembler à Québec d'urgence. Pendant ce temps, l'ordre est donné de bloquer les entrées de la ville  et les chemins qui mènent à la Haute-Ville avec des troncs d'arbres, et les habitants se préparent à quitter leur maison. Les prêtres enterrent les vases sacrés en vue d'un possible  pillage. Frontenac rentre à Québec, 3 000 miliciens et trois bataillons de soldats sont prêts.

Vers six heures du matin, le 16 octobre 1690, la flotte anglaise mouille l'ancre dans le bassin de Québec. Rien ne se passe: les habitants guettent cette menace silencieuse.... (à suivre) 

Manuscrits de Tombouctou, "lieux de mémoire"


Manuscrits réduits en cendre, au Mali, par des envahisseurs extrémistes islamiques, d'autres pages volées se retrouvent sur le marché noir international.


Pour les chrétiens, les Noirs appartiennent à la lignée de Cham, le fils maudit de Noé. La couleur associée à l'obscurité renvoie aux forces de l'ombre et de l'enfer... et à Satan. Cet état de fait biblique obstrue considérablement les conditions d'une circulation d'idées si curieux que soient les Européens. Ils regardent l'Afrique "sans voir". Pendant plusieurs générations les peuples africains subsahariens, longtemps considérés comme des illettrés ont été coupé de leur propre histoire écrite tant l'oralité a pris souche dans l'imaginaire africain.

Dès lors, les habitants se sont mis à cacher leurs manuscrits, à les protéger dans des caisses, puis à les oublier. Pour protéger leurs écrits, les Soudanais ont fait croire aux premiers archéologues au Soudan, en  1912, qu'ils n'écrivaient pas leur histoire, qu'elle se transmettait uniquement par voie orale. Saadou Traoré d'en déduire que le mythe de l'oralité africaine tire sa légitimité de cette peur viscérale d'être pillé de ses biens manuscrits. Le diplomate malien Hompâté Bâ clamera au milieu du XXe siècle qu'un vieillard qui meurt c'est une bibliothèque qui brûle. L'Afrique fut mise au ban des civilisations écrites. S'ajoute à cela le traumatisme de la chute de l'Empire songhaï avec l'invasion marocaine pour mettre la main sur leurs mines de sel et qui se terminera en 1603 par un bain de sang. Tout fut dévasté. Une civilisation s'est effondrée en moins d'un siècle sans laisser (ou si peu) de traces visibles et... oubliée. 

Le chercheur tombouctien Saad Traoré, diplômé de l'École pratique des Hautes Études, l'explique sans ambages: "Il existe depuis des générations une phobie des pillages. Ceux des Marocains d'abord qui ont, lors de leur invasion, brûlé la bibliothèque d'Ahmed-Baba en 1593, puis celle d' Al-Hag du savant Umar Tal à Sagou par le colonel Archinar, le gouverneur représentant le colonisateur.



Les Touareg (groupe berbère) semblent avoir été les premiers peuples à  maîtriser l'écriture. Leur alphabet remonte vraisemblablement à la fin du néolithique. L'islamisation commencée au VIIIe siècle de notre ère a entraîné une large diffusion de l'écriture arabe grâce à la création de mosquées, d'écoles coraniques et d'universités, de nombreuses bibliothèques publiques et privées dont certaines comptaient des milliers de manuscrits en langue arabe. Près de 60 000  manuscrits ont été sauvés sur un total évalué à plus de 500 000 de la destruction grâce au gouvernement malien, la communauté internationale et les efforts de certains détenteurs. Une numérisation rapide de tous les manuscrits est commencée.

Ça c'est une belle histoire .

dimanche 3 novembre 2013

Tombouctou, la ville des 333 saints...




Dans la région de Tombouctou, des milliers de familles cherchent à savoir pourquoi elles détiennent chez elles, depuis des générations, quantité de manuscrits, dans des cantines rouillées entreposées dans leur grenier. Tout un peuple s'interroge sur les origines de ces écrits dont on ne sait pratiquement rien. Des milliers de manuscrits sont entreposés, catalogués puis protégés et maintenant numérisés. Reste à les restaurer et les traduire. Un centre d'archivage a été créé en 1973 sous l'égide de l'Unesco par Mahmoud Zouber. Les musulmans d'Afrique noire sont depuis la nuit des temps traversés par une longue histoire d'écriture. Une vraie ambition: pouvoir redessiner les contours de cette civilisation universelle si chère au président-poète Léopold Sédar Senghor.

Tombouctou: carrefour des voyageurs qui y passaient à l'aller-retour; ils y confiaient la garde de leurs objets à une esclave nommée Tombouctou, mot qui dans la langue du pays signifie "la vieille", et c'est d'elle que ce lieu béni a pris son nom. "Jamais Tombouctou n'a été souillée par le culte des idoles; elle est la retraite des savants et des dévots. Cette ville fut fondée par le Touareg Macchcharen à la fin du Ve siècle de l'hégire. C'est une cité exquise, illustre, cité bénie, plantureuse et animée, et c'est ce que j'ai de plus cher au monde."(Tarikh es-Soudan d'Abderrahmane)

C'est Heinrich Barth, explorateur allemand de l'Afrique, qui découvrit un document exceptionnel dans les entrailles de la mosquée de Djinbareber. "C'est à moi qu'était réservé le bonheur de découvrir une histoire complète du royaume de Songhai jusqu'à l'année 1640 de notre ère. Un long chapitre est consacré à la fondation de Tombouctou".

Ce récit  du XIIIe siècle reflète le contexte humaniste au début de l'Empire Mali:

Tant que nous disposerons du carquois et de l'arc
la famine ne tuera personne dans le Mandé.
Si d'aventure la famine survient
La guerre ne détruira plus jamais de villages
Pour y prélever des esclaves.
C'est dire que nul ne placera désormais
Le mors dans la bouche de son semblable
pour aller le vendre.
Personne ne sera non plus battu au Mandé
À fortiori mis à mort
Parce qu'il est fils d'esclave.




Selon Jacques Le Goff, pendant ce temps, l'Europe chrétienne du Moyen Âge cultivait les stéréotypes païens concernant les Noirs et l'Afrique. Et j'ajoute que même encore aujourd'hui des tests  faussés décrètent que le quotient intellectuel des Noirs est plus faible que celui des Blancs.

Les manuscrits de Tombouctou, secrets, mythes et réalité  écrit par Jean-Michel Tjian

J'aime ce livre! (à suivre)


Les manuscrits de Tombouctou retrouvés...



À Tombouctou, la découverte de vieux manuscrits dont certains remontent au XIIIe siècle, est en passe de devenir un enjeu historique pour toute l'Afrique.

Je lis Les manuscrits de Tombouctou de Jean-Michel Tjian. C'est un livre magnifique.

Extraits de la préface écrit par Jean-Marie G. Le Clézio

Tous les nègres de Tombouctou sont en état de lire le Coran et même le savent par coeur. Ce pays désertique et brûlant, où la végétation est réduite à des buissons épineux, est aussi le pays de la langue écrite. La mise à jour des bibliothèques du désert et de la richesse des bibliothèques de Tombouctou, est une avancée capitale dans la complexité culturelle d'une région du monde regardée comme illettrée. Ce qui a retardé la connaissance de cette culture du désert est pour une large part, la colonisation. Le viol de l'Afrique centrale par les puissances coloniales, l'a plongée dans un état de choc, de perte de mémoire. L'écrit est par nature fragile. Sa principale Némésis n'est pas l'humidité ni l'oubli mais la violence des hommes.

Les troupes françaises, espagnoles, anglaises qui pénétraient les territoires jusque là protégés par l'hostilité du climat et la férocité des tribus nomades n'avaient pas comme objectif de faire l'inventaire des lieux de culte et des bibliothèques. Les bombardements, les incendies ont détruit une part importante de cette mémoire et l'ignorance des soldats ont fait le reste. Senghor évoque les précieux manuscrits servant de torches et l'on peut imaginer ce que le vent, les pillages et le mépris ont emporté pour toujours. Mais la violence coloniale n'explique pas tout, la catastrophe économique à partir des temps modernes, la vente des armes à feu et surtout la traite des esclaves à l'échelle mondiale, ont rompu l'équilibre entre les nations, renversant parfois les structures sociales et l'ordre ancien.

Les manuscrits de Tombouctou préservés par miracle, gardés dans des coffres familiaux, représentent la chance de survie des cultures locales et une promesse de leur avenir. Ces textes retrouvés parfois humbles, parfois magnifiques dans leur écriture hiératique, le luxe de leurs ornements et de leur reliure témoignent de ce qui aujourd'hui fait défaut dans la culture universelle.

Aujourd'hui, les rebelles armés ont pris le contrôle du nord du pays, encourageant le pillage et le vol de documents. Les risques de destructions des manuscrits de Tombouctou, et la protection de ce patrimoine rendent urgentes la reconnaissance et la protection de ce patrimoine universel.

Ce livre me passionne totalement. Je vibre... 
(à suivre)